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Auteur : Étienne TANTY
Titre : Les violettes des tranchées, lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre
Éditions : Italiques, 2002, Le Grand Livre du Mois
Avec 2 livrets internes de photos N&B
Dim. 16 x 25
606 pages
C’est la mort dans l’âme qu’Étienne Tanty, jeune universitaire pétri de culture classique, se retrouve, l’été 1914, dans la peau d’un poilu. Pacifiste, antimilitariste, anticlérical, il subira avec épouvante et dégoût, mais aussi avec un indéniable courage, un sort dont il refuse d’admettre la légitimité : « Nous souffrons pour les intérêts d’une bande de jouisseurs, nous ne sommes plus des hommes, nous n’avons ni droit, ni volonté […]. Nous ne sommes rien, que de la bouillie à obus… ».
Pour maintenir un lien familial qu’il considère comme la seule planche de salut, la seule valeur encore vivante dans le cataclysme, Étienne Tanty envoie chaque jour de longues lettres à ses parents et à ses sœurs. Chronique bouleversante et sensible des horreurs de la guerre, ces lettres sont admirables. Avec une passion obsessionnelle et pathétique, Étienne Tanty se raccroche aux jours heureux, faisant revivre par l’écriture les vacances dans la Creuse, berceau de la famille, les années d’études, évoquant en un émouvant » dialogue intérieur » ses proches, ses oncles, ses tantes, ses cousines, ses condisciples, ses vieux professeurs…
Dans la boue et le sang, dans le désastre vécu au jour le jour, l’expérience des tranchées lui inspire des réflexions d’une férocité voltairienne sur la mentalité militaire, qu’il exècre, sur la classe politique, qu’il méprise, sur l’homme en général, dont la guerre lui révèle un visage hideux : « Sûrement, l’homme descend du singe, animal malfaisant, sot, grimacier, fourbe, et il est en train d’y remonter : ils ont bien raison de se traiter de poilus ! ».
À cette vision désabusée, il oppose sans cesse l’invincible nostalgie de la paix, de cet humanisme dont l’ont nourri son père et ses maîtres, et qu’il répand dans ses lettres avec de magnifiques citations de ses poètes français ou latins préférés. Ce n’est pas, d’ailleurs, le moindre intérêt de ce livre que de nous rappeler ce qu’était une éducation classique à cette époque, quand un étudiant républicain aux racines paysannes pouvait citer Virgile ou Ovide de mémoire et toujours à propos, ou tromper la censure en écrivant en caractères grecs les passages compromettants de sa correspondance !
Cet ouvrage réunit l’intégrale des lettres d’Étienne Tanty du 28 juillet 1914, veille de la mobilisation générale, à octobre 1915, lendemain de la blessure reçue à Neuville-Saint-Vaast. Il se lit comme le roman vrai d’un idéaliste dont on voit, le cœur serré, la jeunesse et les illusions mourir sur l’autel d’une patrie à laquelle il a cessé de croire, comme le témoignage unique d’un esprit libre qui n’hésite pas à affirmer, en plein conflit, qu' »il n y a de salut et de paix durable que dans l’entente franco-boche, avant que les deux nations ne soient sur le flanc l’une et l’autre ».