Marin de la marchande et seul paysan à Houat
Patrick Le Gurun, marin de la marchande et maraîcher… Patrick Le Gurun, marin de commerce, cultive 3 000 m² sur l’île de Houat. Sa production de fraises alimente les tables de l’île, mais il exporte aussi à Hoëdic et Belle-Ile.
Dans son jardin, il mettait quelques fleurs en massif. Pas maraîcher pour trois plants. Ses voyages au long cours ne lui permettaient pas d’herboriser. Aujourd’hui, il fait de la fraise pour toute l’île de Houat, 335 habitants.
Marin au commerce sur des lignes de cabotage à la compagnie Navix, entre Vannes et Belle-Ile, Patrick Le Gurun, 52 ans, a commencé la navigation en 1978. Dans les années 2000, il a arrêté le long cours. « Là, j’ai pensé à planter des fraises. Pendant un moment, j’ai arrosé cette idée… ».
Ici, la mer omniprésente adoucit le climat. Quasi méditerranéen. « En 2005, j’ai commencé par un achat de 650 pieds de fraises. La terre du jardin, c’est du sable. Je me servais de l’arrosage de la maison. Ça m’a coûté une fortune, vu le prix de l’eau à Houat ! Quel gaspillage. »
La ratte, la roseval, la vitelotte
Le marin a creusé devant sa maison pour créer une citerne de 15 m³ de récupération des eaux de pluie. « Mais ce n’est pas suffisant. » Chef mécanicien à bord, fluides, pression, débit n’ont pas de secret pour lui. Il a donc installé un programmateur : chaque plan de fraise est irrigué avec un goutteur qui donne deux fois cinq minutes par 24 h. « Cela fait 1,5 m³ d’eau par jour pour les 1 000 pieds de fraise que je cultive aujourd’hui. Sans oublier les courgettes, les tomates en variété rustique, les haricots beurre, verts, noirs. Je fais aussi des pommes de terre : la ratte, la roseval, la vitelotte, une pomme de terre à chair violette… ».
Son goémon aux grandes marées
À ce jour, Patrick reste seul maraîcher de l’île sur une surface de 3 000 m³. « C’est le minimum que me demandait la Mutualité sociale agricole (MSA) quand je me suis inscrit. Ce qui me permet de vendre ma production. Je suis le seul inscrit MSA de Houat. »
En 2005, il a fait très chaud. Le soleil grille la moitié des 650 fraisiers de l’apprenti maraîcher. Mauvais arrosage. En 2006, il replante. En 2007, il essaye d’autres variétés que la gariguette, met de la manille, de la charlotte, de la mara des bois. Pour amender, il récolte son goémon aux grandes marées de novembre. Avec quelques étoiles de mer, le légume pousse « bio » sans en prendre l’étiquette.
Le jardinier diversifie. « Quand j’arrive à l’étal, parfois mes haricots sont partis en cours de route. Les personnes âgées de Houat s’approvisionnent avant et après la saison. Pendant l’été, la clientèle est touristique. Par contre, les gens de l’île achètent les fraises. » Sa production s’étale de début mai jusqu’à parfois novembre. Pas loin de 200 kg de fraises par an.
« Je pense élever une vache »
Côté finance, Patrick creuse. « Même si je vends à 12 € le kg de fraise, je puise dans mes deniers pour équilibrer. Il faudrait que je puisse écouler à Belle-Ile. Mais il n’y a pas de liaison directe par bateau pour amener la production cueillie le matin très tôt. » Il va même jusqu’à imaginer du commerce équitable avec la grande île. « Nous pourrions troquer nos fraises contre des moutons. » En mai, les excédents font des confitures. Il exporte ses gariguettes chez l’épicier d’Hoëdic, la voisine. Les fraises prennent le bateau.
Il se dit qu’en 2013, il pourrait prendre sa retraite de la marchande, s’acheter un tracteur à la place du motoculteur. « Courir deux boulots à la fois, ce n’est pas bon » grince le marin. « Je me mettrai plein pot au maraîchage. » Quand il commence la saison de navigation au printemps, la nature se réveille. Le « maraîcher » est débordé. « Quand je serai en retraite, je pense aussi élever une vache… Il y a assez de terre sur l’île. »
Christian GOUEROU. Mercredi 23 juin 2010 OUEST FRANCE